SACHS,
Maurice (1906-1945). Un de mes auteurs
chouchous, aussi.
Ecrits :
Alias. Toute sa vie romancée : un adolescent débarque chez un oncle qui est
carrément tante. Des passages au séminaire toujours aussi chiants, puis une fin
sur les hurluberlutions catholiques du très PD Max Jacob.
Paris :
Gallimard NRF coll. blanche, 1935, 222p, 140x205. (Dédicace reproduite
ici à Roger Valbelle).
Au Temps du Bœuf sur le toit. Un journal un peu en contradiction avec Le
Sabbat, mais une prose superbe pour cette
adolescence vécue entre 14 et 29, avec les débuts des salles de cinéma, des
surprises-parties, etc., etc... et de l'homosexualité affichée.
◄Ed. la Nouvelle revue critique,
1939 (1er tirage, couverture illustrée par Jean Hugo).
Ré édition NRC, 1948, 241p.►
La Chasse à courre. Paris : Gallimard NRF coll. blanche, 1948, 248p, 118x185.
La Décade de l’illusion. Paris : Gallimard NRF coll. blanche, 1950, 256p, 118x185. Abracadabra.
Paris : NRF-Gallimard, 1952, 232p, 118x185.
Derrière cinq barreaux.
Paris : Gallimard NRF coll. blanche, 1952, 224p, 118x185.
Tableau des mœurs de ce temps. Paris : NRF, 1954, 352p,
140x205. Violette Leduc y est Lodève. Histoire de John Cooper
d’Albany. Paris : Gallimard NRF coll. blanche, 1955,
400p, 118x185.
Chronique joyeuse
et scandaleuse. Ses petits souvenirs d’une jeunesse tumultueuse,
retravaillés une nouvelle fois. Ses premières coucheries avec Abel Hermant,
qui "faisait une grimace de stupidité qu’il pensait devoir "faire
jeune", ébrouait sa moustache comme un dindon sa queue, gonflait ses joues
et croyait sourire" (p.15). "Des années ont passé, je ne me suis
reproché aucun plaisir, fût-il condamné par
les lois ou par les hommes, mais je
ne me suis jamais complètement absous de l’aventure avec Hermant (...)
[mais] on ne m’avait jamais dit que je fusse beau. Et puis je croyais plaire
par mon intelligence et il me semblait que l’attention que vous prête un
"grand écrivain" est le signe que l’on est "très
fort"" (p.19). Quelques histoires avec Chanel et Cocteau, le
tout sous des pseudonymes comme celui-ci, (je ne suis pas qui c’est) : "On
raconte qu’il obtint une préface de Jean Ladour, poète d’un certain renom, en
venant seulement se présenter à lui. Ladour fut si charmé par sa bonne mine,
qu’il lui promit une introduction, mais comme le jeune écrivain prenait
l’escalier, le poète se pencha par-dessus la rampe en chuchotant "Et
dîtes, Monsieur, n’est-ce pas que vous m’enculerez bien un peu?""
(p.41). Et si dans sa jeunesse, "il ne pouvait néanmoins se résoudre à
s’avouer tout net qu’il était homosexuel, d’autant qu’il n’éprouvait aucune
impossibilité à rendre ses devoirs à une femme" (p.72), son arrivée à New
York le révèle à lui-même : "Je restais dans l’ombre, étourdi, bandé, le
cœur gros en un instant et n’ayant jamais encore compris autant que dans cet
éclair de plaisir combien j’aimais les garçons" (p.158). Pour finir, une
aventure avec un black : "Dans les draps blancs la petite tête noire
frisait sur son sommeil (...). Comment je vais m’en aller? Je ne peux pas prendre
l’ascenseur. Tant pis, j’essaierai l’escalier de service, mais il ne faut pas
qu’on me voie sortir de la chambre sinon on t’embêtera" (p.160). Référence
de lecture : Livre de poche, 1973.
Le Sabbat. Superbe vie de l'adolescent Maurice Sachs qui
eut 15 ans lors du Traité de Versailles. Tout adolescent moderne a pu avoir les
mêmes interrogations. De très belles pages sur Cocteau, Jacob, Gide, Proust
et son Albert, tenancier de bordel PD, Soutine, Picasso,... Une fin plus
balzacienne, pour ceux qui aiment la bretonnitude d’un décors d’hôtel à
Paris ! Paris, éditions Corrêa,1946, 443p. Paris : Gallimard NRF coll. blanche, 1960,
448p, 118x185. idem, coll l’Imaginaire Gallimard N° 42, 1979, 302p.
Ici la couverture de l'édition de
poche de 1971.
La
Chasse à courre. "On écrit pour
prouver à ceux qu'on aime qu'on mérite d'être aimé, qu'on a le corps moche et
l'intelligence adorable ". (p235). Ce sont des mémoires et des témoignages
sur les dernières années de la vie de Maurice. Période noire, période de
l'exode, du Bordeaux capitale d'un régime en fuite, puis du Paris occupé, avec
ses trafics avec la zone libre, ses quasi-ventes de juifs, ses trafics de
devises, où surnage à merveille un Sachs compromis dans tout et qui finit par
fuir pour s'engager comme travailleur volontaire dans les chantiers navals
d'Hambourg. Cette période a suffisamment été cachée pour que ce texte soit des
plus intéressants. Notons ce qui nous intéresse : la vie homosexuelle dans le
Paris occupé : "Et de même que sous le Directoire, les invertis couraient
le guilledou aux Champs Elysées, les bosquets du Champs de mars abritaient de
furtives amours mâles. Ce dont la troupe d'occupation prenait sa part.
"(p176) "Le bar du Sélect était à ce point voyant que l'entrée en
était interdite à la troupe d'occupation, et le fait est qu'on s'y tenait fort
mal le samedi vers 7 heures. Que de cris, de piaillements ! Quelle réunion de
coquines de tout âge, poudrées, fardées, se donnant en spectacle, traitant le
prix de leur nuit, espérant en d'impossibles liaisons. Le vieil avocat y
côtoyait le rentier, le truqueur (garçon aimant les femmes, mais acceptant
l'argent des hommes), et la tapette. "(p101). Et puis, émouvante histoire
éternelle, son dernier amour fou pour un ...hétéro ! "Bob, je serais plus
fier de pouvoir te dire : "ne couchons pas ensemble si ça t'ennuie, mais
franchement j'en suis incapable. Te voir tous les jours et ne pas faire l'amour
avec toi, ce serait posséder une statue admirable qu'on défendrait de caresser.
Et puis, pourquoi sacrifierais-je un désir si vif et si naturel quand tu ne
ferais aucun sacrifice pour moi ? " (p95). Dans ce monde plus que
perturbé, il connaît souvent de sa faute des hauts et des bas, ruiné parfois,
munificent toujours, "Les gros de mon espèce, toujours allants, joyeux, et
supportant les soucis avec un masque serein, brûlent leur solitude dans un
enfer de soucis ". (p106). Puisque cette bibliothèque est bretonne, notons
ce qu'il dit de nos compatriotes dans les camps du STPO à Hambourg : "Les
bretons reçoivent de chez eux des colis incroyables de leurs parents fermiers.
Les autres en sont pantois. Et moi aussi."(p207). "Quant aux bretons,
ils se plaçaient nettement dans une espèce inférieure (et l'on était déjà bien
bas ). La discussion autour des choses de leur métier n'était même pas de leur
fait. Ils pétaient, rotaient, crachaient, et plaisantaient, avec quelle
lourdeur, sur les puces dont nous étions infestés. Physiquement d'une rare
laideur, leur corps épais avait je ne sais quoi d'émasculé. L'impuissance de
leur âme était entre eux par trop visible " (p211). Ben avec ça, nous
sommes vernis ! NRF, 1949.
The Decade of illusion.
Knopf. André
Gide. Denoël. Maurice Thorez. Denoël. Daumier. Pierre
Tisné. Le Voile de Véronique. Denoël 1959.
Lettres. Lettres d’Amérique, lettres à sa grand-mère, lettres
de Hambourg / Préface Jean Alley. Paris : Le Bélier, 1968, 108p, 1595 ex
tous numérotés.
Traductions : Céleste
/ Stephen Hudson. Le Sphinx et autres contes bizarres / Edgar Poë. La
Princesse artificielle / Ronald Firbank. L’Etalon / Marguerite
Steen. Bessie Cotter / Wallace Smith. Les Jeunes visiteurs /
Daisy Ashford. Plon. L’Ecurie Watson / Terence Rattigan. L’Illustration.
Etudes :
Le Dernier sabbat de Maurice Sachs / par André Du Dognon et Philippe
Monceau C'est encore dans un drôle de milieu que nous envoie André Du
Dognon (je vous recommande ses bouquins) : le milieu homosexuel de Hambourg
pendant la guerre. La vie extraordinaire de ce juif homosexuel qui s'engage
dans les brigades volontaires pour le travail dans l'Allemagne nazie. Mais
n'oubliez pas, en le lisant, que vous avez à faire à de vrais salauds, vendeurs
lâches de compatriotes et d'amants à la Gestapo. Ed. le Sagittaire, 1979. Edité
d'abord chez Paris : Amiot Dumont, 1950, 219p.
Maurice Sachs / par Henry
Raczymov. Une très intéressante biographie de celui qui est peut-être le
plus indigne et le plus représentatif du monde homosexuel de l’entre-deux-guerres.
Ce bambocheur, voleur par amour du plaisir, "l’argent, il le brûle
aussitôt gagné. L’argent chez lui, ne vise pas l’argent mais le plaisir ou la
débauche, en tout cas, la dépense. Il n’a pas la moindre morale, pas même celle
du capitalisme" (p.377). Ce fils d’une grande famille de joailliers juifs,
dont le grand-père, fournisseur du Tsar, était ami d’Anatole France et fonda
l’Humanité, "avait l’aspect quelque peu exalté d’un prophète antique
sexuellement ambivalent... Il était venu comme une femme à barbe qui se serait
rasée trois jours plus tôt pour s’échapper incognito d’un cirque" (p.225).
Apparenté aussi au fils de Georges Bizet, sa fin reste toujours un mystère,
l’auteur ici, penche pour une mort survenue pendant les derniers déplacements
de prisonniers dans les camps d’Hambourg. Fusillé par ceux avec qui il avait
collaboré, les nazis. Biographie indispensable pour comprendre son oeuvre,
souvent autobiographique. Gallimard, 1988.
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