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- Groupe de Libération Homosexuelle Rennes
un article de Yves Chatelier sur la fermeture de la salle l'Arvor, par l'archevêché en Mars 1982 Gai-Pied.

 

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Rennes

L’archevêché n’aime pas le programme

Rennes vit actuellement une bataille bien particulière. Les protagonistes le sont aussi: une salle de cinéma et Notre-Sainte-Mère l'Eglise !

L'Arvor, c'est le nom du cinéma, ne serait aujourd'hui qu'un lointain souvenir si, voici dix ans, une équipe de bénévoles, tous fous du Septième art, n'avait décidé de prendre en charge l'animation de cette salle paroissiale. Aujourd'hui c'est une des meilleures salles d'art et essai de France. Quarante mille entrées en 1981. Tout allait pour le mieux jusqu'à ce qu'une lettre de l'archevêché, le 27 novembre dernier, mette l'association des animateurs en demeure de quitter les lieux début juillet 82. Motif: un tel cinéma présente des dangers d'ordre moral et éducatif sur la paroisse Saint-Hélier.

Pas facile de parler à l'évêque de Rennes! L'archevêché vint d'emménager dans ses nouveaux locaux. l'ancien séminaire, grande bâtisse un peu « caserne » qui se vidait ces dernières années par crise de vocations. Le monde est détraqué, que voulez-vous! Une standardiste, un peu dépassée, qui se démène avec un central téléphonique d'un autre âge... c'est du moins ce que j'imagine, l'oreille pendue au téléphone. J'ai déjà appelé voici trois jours, mais on s'est contenté de me communiquer ce que je savais sur un ton de « c'est comme ça et pas autrement ». Enfin, une voix au bout du fil : Monseigneur Plateau, évêque auxiliaire de Rennes.

. Pour Gai Pied, quelques renseignements au sujet de l'Arvor...

... Mais vous avez déjà appelé.

. Cette affaire a pris une certaine ampleur dans la presse et je voudrais vous questionner sur l'homosexualité...

... Je ne vois pas l'intérêt en l'occurrence, mais posez vos questions...

. Il a été dit que c'était la programmation de films homosexuels qui avait inspiré vôtre décision...

… Entre autres. Ce n'est pas parce que l'homosexualité nous a soudainement réveillés... Non, ce n'est pas notre propos. Notre propos est que nous avons une salle entièrement à nos frais, dont l'entretien est payé par les quêtes des paroissiens, or il se passent des tas de sujets qui ne sont pas en accord avec l'éthique chrétienne, dont l'avortement et bien d'autres... En ce qui concerne

l'homosexualité, la position de l'Eglise est clairement définie, nous n'avons rien de plus â dire là-dessus.

. Vous pensez que c'est encore choquant?

Non. Nous pensons que c'est une affaire à ne pas débattre en grand public, c'est une affaire à débattre entre gens sérieux.

. Vous pensez que /es catholiques ne sont pas capables d'affronter ce genre de débat?

Si, mais pas avec n'importe quel film présentant des plaidoyers, des incitations... Ça ne se présente pas devant un public tout venant, mais devant des gens qui ont mission de réfléchir sur ce genre de problèmes... pas seulement des spécialistes... mais, par exemple, un groupe d'adultes d'action catholique qui veulent approfondir ce problème. Nous ne sommes pas des fanatiques, nous ne sommes ni pour ni contre, c'est une réalité qu'il faut regarder en face, comme toutes les réalités...

. La ville a pris contact avec l'archevêché. Vous espérez aboutir à un accord ?

Je le souhaite, mais je n'en suis pas sûr. On veut bien encourager cette association qui fait un travail intelligent... mais pas à cet endroit. La proximité du lieu de culte nous gêne. Pour les gens du quartier, c'est la salle de la paroisse...

. Vous pensez que ce genre de situation pourrait se reproduire ailleurs ?

Nous ne cherchons pas à faire la chasse aux sorcières, ni à pourfendre tous ceux qui ne sont pas dans l'ordre. Il s'agit pour nous d'éviter des situations ambigües. Si nous enregistrons de nouvelles plaintes, ici où là, nous examinerons la situation, s'il faut la clarifier nous le ferons.

. Vous pensez ne pas trop vous couper de la population ?

J'espère bien. La presse ne nous rend pas toujours service en nous transformant en «Don Quichotte ». Nous sommes un certain nombre au conseil épiscopal; nous avons pris cette décision en sachant qu'elle allait soulever des vagues.

. Mais aujourd'hui les catholiques sont plus ouverts à la discussion ?

Vous comprenez, nous sommes tout aussi allergiques à un libéralisme l' économique tous azimuts et sans freins qu'à un libéralisme moral de même nature... Pour nous, il y a des limites à la liberté des gens, c'est la liberté des autres, c'est tout !

Propos recueillis par Yves Chatellier.

 

 

Cette menace avait déjà plané sur le cinéma l'année passée, et il avait fallu l'intervention de la municipalité rennaise auprès du cardinal Gouyon pour continuer à vivre. « Beaucoup de gens ont été choqués par la programmation de certains films », affirme l'abbé Chesnais, recteur de Saint-Hélier. Certes, il est difficile de proposer une programmation en accord avec l'éthique catholique quand on veut aborder les sujets "délicats" et permettre à certaines minorités de s'exprimer. «En fait, ce qui nous est reproché, déclarent les animateurs, c'est un cinéma politique et militant

dont le but est la défense des opprimés, le droit à la différence, la liberté des individus. Bref, un cinéma de gauche. Nous avons mis sur pied une formule de cinéma pas cher en projetant des films qu'aucune salle, à Rennes, n'aurait voulu projeter pour cause de : non rentabilité ». Ainsi les rennais ont-ils pu découvrir les cinémas chinois, hindou, brésilien, albanais... Ainsi ont-ils pu assister aux lundis

"Tiers-monde" du CRIDEV (Comité rennais d'information pour le développement et la libération des peuples), aux semaines organisées sur les prisons, les femmes, le nucléaire, l'éducation... Mais il semble que ce soient les cycles sur l'homosexualité qui aient mis le feu aux poudres. Deux semaines de cinéma pédé, un cycle Philippe Valois, un récital Gil Cerisay, sans compter les rétrospectives Pasolini... Cela, sans aucun doute, a provoqué « la réaction morale» de l'Eglise dans cette France où tant de libertés ont été prises depuis le 10 mai ! Excellent prétexte pour faire récupérer un édifice par un diocèse très occupé, ces temps-ci, à de grosses opérations immobilières...

Les animateurs ont entrepris une campagne d'information. La presse locale et nationale, les radios et la télévision ont dénoncé vivement l’attitude de l'archevêché. La municipalité, qui soutient le cinéma, souligne son rôle culturel, et nombre d'associations locales travaillent avec l'Arvor. La ville a même proposé d'acheter la salle. A l'archevêché, on ne s'attendait visiblement pas à une telle réprobation. Si l'on y reconnaît que l'Arvor est une, entreprise sympathique, on fait remarquer que les ouailles ne peuvent dissocier l'Eglise du cinéma.

Quant à la proposition de l'archevêché de vendre aux animateurs une parcelle de terrain pour « qu'ils y construisent leur salle », elle parait bien hypocrite...

A quand les manifs devant l'archevêché de Rennes? Ce ne sera pas triste. Il y en a qui préparent déjà leurs robes!

Yves Chatelier

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